Le questionnaire de Proust (tout le monde connaît) limite, a priori, les réponses du moins n’exige pas de longs développements.
Le questionnaire d’Hérouet les élargit à l’infini. Je ne sais s’il a suscité des contributions. En voici une. Je devrais faire autre chose, mais c’est une de mes spécialités que d’éviter l’obligation, compensée par quelque chose d’autre qui ne manque ni d’intérêt ni de pertinence. Rien à se reprocher donc.
 
La mixité ?
Enorme problème qui suscite des débats sans fins. Souvenez-vous, j’espère ne pas me tromper de chronologie, de l’arrivée hallucinée (hallucinante aussi) d’un rejeton de bonne famille exclu de l’enseignement charitable et confessionnel : de Radigues.de…. Affolé de devoir partager l’espace avec de nombreuses jeunes filles toutes plus charmantes les unes que les autres. Il apparaissait, pour ce qu’il était ; un personnage, sympathique au demeurant, relevant plus du siècle précédent. Du moins nous apparaissait-il comme tel.
La mixité sexuée a été, comme expression et aboutissement de l’égalité civile et politique des femmes et des hommes, une des causes de la complète transformation de nos sociétés. Il est impossible, inutile aussi de décréter qu’il s’agit d’un bien ou d’un mal. Comme toujours en matière sociale les conséquences en sont complexes et contradictoires d’autant plus que la société n’est plus celle d’il ya 50 ans.
La mixité a permis aux femmes « d’entrer » en société, aux hommes de ne plus se penser en centre de l’univers. Le hasard fait (il a été déclencheur), que le nouveau Monde magazine de ce samedi a consacré un article à l’université féminine Barnard de New-York (50.000$ d’inscription annuelle tout de même avec le logement). Les études actuelles tendent à montrer que si les filles réussissent (nettement) mieux leurs études que les garçons (ce n’est pas tout à fait le cas à l’université) et les poursuivent désormais plus loin, ce n’est pas nécessairement le cas en Mathématiques et en Sciences. La mixité leur serait défavorable dans ce cas pour des raisons trop longues à expliquer. Dans tous les autre cas, les garçons (certains du moins) remis en cause, par cette concurrence nouvelle, pourraient fuir dans des comportements virilisés ou déviants pour rétablir « la juste place de la masculinité ». Et voir leurs compétences scolaires s’affaiblir relativement. En revanche dans l’espace public, l’expression des garçons reste dominante (les débats, les assemblées). De ce point de vue, des classes de filles permettent une liberté de parole que les classes mixtes ne favoriseraient pas.
Inversement, les trois années que j’ai passées en Algérie, et les séjours récents au Maroc (dans le cadre du soutien de la CFWB, aujourd’hui FWB à une chaire UNESCO : la femme et ses droits), m’ont montré et démontré combien, l’inégalité hommes-femmes, la sujétion de  la femme à l’homme, constituent une des principales causes de la pauvreté. Amartya Sen (prix quasi Nobel d’économie) a démontré dans « Developmen as freedom  1999» (dans le cadre des divers états de l’Union Indienne) combien les progrès de l’égalité sexuée permettaient de faire reculer la pauvreté plus que tout autre mesure. Pas plus que dans l’épisode colonial, ou ailleurs, qu’il soit racial ou sexué le développement séparé n’apparaît comme une solution réaliste, certainement pas comme une solution souhaitable. Ce qui n’empêche pas d’améliorer, de réformer la mixité que nous connaissons.
La situation observée ailleurs, s’inscrit désormais dans nos villes. Le fait que le monde enseignant se soit rapidement féminisé ces dernières années, pose problème à des enfants de migrants venus du sud, en particulier de culture musulmane pour qui l’autorité féminine, hormis celle circonstancielle de la mère est insupportable. Il faut avoir observé les gamins, à partir de l’âge de 5 ou 6 ans exercer leur autorité sur leurs sœurs, y compris aînées, pour le comprendre. Aussi, mais pas seulement pour eux (les jeunes mâles judéo-chrétiens sont aussi concernés), il convient de rétablir un équilibre sexué dans le personnel enseignant. Le land de Hambourg vient de décider, après expérimentation, de rendre obligatoire la présence d’enseignants mâles dans les écoles maternelles. Réflexion et action dans cette perspective seront sans doute plus efficaces que le rétablissement de classes unisexes.
 
 
L’autre question est tout aussi vaste.
Nous avons vécu comme adolescents et comme adultes  en Europe occidentale, une période exceptionnelle dans l’histoire universelle: de paix, d’augmentation des revenus et du niveau de vie, de niveau d’éducation, de croissance de l’espérance de vie (une année par deux ans actuellement), avec une santé améliorée (nos grands parents sont morts à 70 ans en mauvaise santé, quel âge avons-nous ?[1]). Cela ne s’est pas fait sans mal, ni sans efforts mais a été rendu possible par le développement scientifique et technique, par l’égalité plus grande entre hommes et femmes (voir supra), par la démocratisation des systèmes politique  (que nous critiquons avec raison mais que Churchill considérait « comme les moins pire possibles »), par le développement économique « à l’abri de la menace soviétique ».
Claudine soulignait que plusieurs possibilités d’emplois s’ouvraient à nous à la sortie des études. En fait, évolutions structurelles et conjoncturelles de cette époque particulière ont multiplié (pas seulement additionné) à ce moment les facteurs favorables.
 Aujourd’hui, la situation change, depuis la chute du mur de Berlin, la disparition de l’URSS et la conversion du « despotisme asiatique », en capitalisme sauvage comme jamais l’Europe ne l’a vécu. Les USA ne nous considèrent plus comme des alliés nécessaires, des partenaires obligés, mais comme des concurrents directs. Le monde sous-développé se développe enfin (une partie du moins) si rapidement que nous nous sentons menacés. La mondialisation en cours n’est pas la première, l’Europe, au forceps (la colonisation), a contraint une grande partie du monde à la dernière mondialisation en cours. De fait en raison des évolutions technologiques (effondrement du coût des transports, accélération de la circulation de l’information…), elle est plus rapide et plus profonde qu’aucune d’entre elles au paravent. Mais nous ne la dominons plus. Elle paraît donc d’autant plus menaçante.
Plus généralement, nous avons vécu la fin d’une évolution à l’échelle des temps historiques, qui touche progressivement l’ensemble de la planète. Nous ne serons plus là pour le constater. Mais d’ici peu on considèrera probablement que la période néolithique (élevage, agriculture, naissance des villes et donc des marchés, naissance des codifications de l’écriture et du calcul, religions du livre développement de la production industrielle,), s’est achevée sous nos yeux (c’est la conviction aussi de Michel Serres). Nous sommes passés en 10.000 ans, d’une société principalement rurale, agricole, religieuse, autoritaire à une société urbaine, tertiaire, laïcisée, plus démocratique. La société industrielle a été la dernière étape, violente, de cette mutation (nous l’observons aujourd’hui dans les sociétés en voie d’industrialisation comme la Chine), matrice d’une ère nouvelle pleine (au sens propre du terme) d’incertitudes.
 Le monde change, il va falloir s’y adapter.
Nous avons désormais plus de responsabilités que nos ancêtres (connaissances, participation politique…) sur ce que sera l’avenir.
Réveillez-vous. C’est fini ! (ma réponse au questionnaire).


[1] J’espère que chacun de nous est en excellente santé
 


 



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